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brumaire an II (novembre 1793), à propos de Laval qui avait ouvert ses portes aux Vendéens fugitifs, elle
décréta que toute ville qui donnerait asile aux rebelles serait démolie et détruite.
De leur côté, les princes de l'Europe, dans le manifeste du duc de Brunswick, inspiré par les émigrés et rédigé
par le marquis de Linnon, intendant du duc d'Orléans, avaient déclaré que tout Français pris les armes à la
main serait fusillé, et que, si un cheveu tombait de la tête du roi, Paris serait rasé.
Sauvagerie contre barbarie.
TROISIEME PARTIE. EN VENDEE
LIVRE PREMIER. LA VENDEE
I. LES FORETS
Il y avait alors en Bretagne sept forêts horribles. La Vendée, c'est la révolte-prêtre. Cette révolte a eu pour
auxiliaire la forêt. Les ténèbres s'entr'aident.
Les sept Forêts-Noires de Bretagne étaient la forêt de Fougères qui barre le passage entre Dol et Avranches ;
la forêt de Princé qui a huit lieues de tour ; la forêt de Paimpont, pleine de ravines et de ruisseaux, presque
inaccessible du côté de Baignon, avec une retraite facile sur Concornet qui était un bourg royaliste ; la forêt
de Rennes d'où l'on entendait le tocsin des paroisses républicaines, toujours nombreuses près des villes ; c'est
là que Puysaye perdit Focard ; la forêt de Machecoul qui avait Charette pour bête fauve ; la forêt de Garnache
qui était aux La Trémoille, aux Gauvain et aux Rohan ; la forêt de Brocéliande qui était aux fées.
Un gentilhomme en Bretagne avait le titre de seigneur des Sept-Forêts. C'était le vicomte de Fontenay, prince
breton.
Car le prince breton existait, distinct du prince français. Les Rohan étaient princes bretons. Garnier de
Saintes, dans son rapport à la Convention, 15 nivôse an II, qualifie ainsi le prince de Talmont: " Ce Capet des
brigands, souverain du Maine et de la Normandie. " L'histoire des forêts bretonnes, de 1792 à 1800, pourrait
être faite à part, et elle se mêlerait à la vaste aventure de la Vendée comme une légende.
L'histoire a sa vérité, la légende a la sienne. La vérité légendaire est d'une autre nature que la vérité
historique. La vérité légendaire, c'est l'invention ayant pour résultat la réalité. Du reste l'histoire et la légende
ont le même but, peindre sous l'homme momentané l'homme éternel.
La Vendée ne peut être complètement expliquée que si la légende complète l'histoire ; il faut l'histoire pour
l'ensemble et la légende pour le détail.
Disons que la Vendée en vaut la peine. La Vendée est un prodige.
Cette Guerre des Ignorants, si stupide et si splendide, abominable et magnifique, a désolé et enorgueilli la
France. La Vendée est une plaie qui est une gloire.
TROISIEME PARTIE. EN VENDEE 117
Quatre-vingt-treize
A de certaines heures la société humaine a ses énigmes, énigmes qui pour les sages se résolvent en lumière et
pour les ignorants en obscurité, en violence et en barbarie. Le philosophe hésite à accuser. Il tient compte du
trouble que produisent les problèmes. Les problèmes ne passent point sans jeter au-dessous d'eux une ombre
comme les nuages.
Si l'on veut comprendre la Vendée, qu'on se figure cet antagonisme : d'un côté la révolution française, de
l'autre le paysan breton. En face de ces événements incomparables, menace immense de tous les bienfaits à la
fois, accès de colère de la civilisation, excès du progrès furieux, amélioration démesurée et inintelligible,
qu'on place ce sauvage grave et singulier, cet homme à l'oeil clair et aux longs cheveux, vivant de lait et de
châtaignes, borné à son toit de chaume, à sa haie et à son fossé, distinguant chaque hameau du voisinage au
son de la cloche, ne se servant de l'eau que pour boire, ayant sur le dos une veste de cuir avec des arabesques
de soie, inculte et brodé, tatouant ses habits comme ses ancêtres les Celtes avaient tatoué leurs visages,
respectant son maître dans son bourreau, parlant une langue morte, ce qui est faire habiter une tombe à sa
pensée, piquant ses boeufs, aiguisant sa faulx, sarclant son blé noir, pétrissant sa galette de sarrasin, vénérant
sa charrue d'abord, sa grand'mère ensuite, croyant à la sainte Vierge et à la Dame blanche, dévot à l'autel et
aussi à la haute pierre mystérieuse debout au milieu de la lande, laboureur dans la plaine, pêcheur sur la côte,
braconnier dans le hallier, aimant ses rois, ses seigneurs, ses prêtres, ses poux ; pensif, immobile souvent des
heures entières sur la grande grève déserte, sombre écouteur de la mer.
Et qu'on se demande si cet aveugle pouvait accepter cette clarté.
II. LES HOMMES
Le paysan a deux points d'appui: le champ qui le nourrit, le bois qui le cache.
Ce qu'étaient les forêts bretonnes, on se le figurerait difficilement ; c'étaient des villes. Rien de plus sourd, de
plus muet et de plus sauvage que ces inextricables enchevêtrements d'épines et de branchages ; ces vastes
broussailles étaient des gîtes d'immobilité et de silence ; pas de solitude d'apparence plus morte et plus
sépulcrale ; si l'on eût pu, subitement et d'un seul coup pareil à l'éclair, couper les arbres, on eût brusquement
vu dans cette ombre un fourmillement d'hommes.
Des puits ronds et étroits, masqués au dehors par des couvercles de pierre et de branches, verticaux, puis
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